L'air du large, le désert et les dunes

Pamela bouillonnait encore des évènements des dernières heures.
Elle était sortie de la barrique percée furax et certainement pas pour les raisons que certains pouvaient penser.
Les adultes étaient parfois vraiment stupides et aveugles, à ne pas voir ce qu'il se passait juste sous leur nez.

Elle avait besoin d'air, elle avait besoin d'autre chose et surtout de changements.

Pommie venait tout juste d'être parée du strict minimum pour tenir quelques jours et la chamelle attendait sagement le départ de sa nouvelle maitresse. Elle martela le sol s'impatientant à son tour, sentant de nouveau l'envie du souffle des dunes, l'appel du désert enivrer ses naseaux.
Pamela caressa la joue de l'animal :
du calme ma belle, du calme, on ne va plus tarder.... laisse arriver la nuit....on te verra moins dit elle en rigolant car Pamela avait du se servir de suie pour camoufler la robe blanche de la chamelle qui avait tendance à bien se démarquer dans le paysage sous le reflet de la lune.

Puis elle partit dans la comm cherchant Maëlle..... le temps la pressait et comme finalement elle n'avait pas envie d'avoir encore un long discours dans les oreilles elle se décida à lui écrire un bout de mot sur un papier qu'elle laissa en évidence près du bateau.

*Maelle, euh...je m'en vais euh non, suis partie et j'en avais besoin, je pense euh non j'espère que tu ne te feras pas gronder à ton tour, mais je n'ai pas besoin d'être chaperonnée.
Je reviendrai avant la prochaine lune pour les besoins de formation.
Je crois que tu peux me comprendre, mais je préfère encore être seule dans le désert que devoir quoique ce soit à quelqu'un.*

Puis elle finit maladroitement son message par un "bise" avant de le déposer.

Il était temps, l'heure approchait, elle se hâta.

Elle prit Pommie par la bride et dans le noir de la cité elle se dirigea au delà des "barrières" de végétations sans faire de bruit.

Une fois le tout passé, elle grimpa sur le dos de la chamelle avec aisance et d'un coup ferme mais sans brutalité elle lança l'animal dans une foulée plus rapide.
Le vent fouettait son visage et ses cheveux non attachés balayaient son visage de temps à autre.
Elles galopèrent ainsi tout droit devant elle, plein sud, plein désert et lorsque le paysage commença à être identique de toute part elle freina Pommie et la stoppa, elles étaient assez loin à son goût pour pouvoir profiter de l'immensité et du calme environnant.

Il n'y avait pas âme qui vive alentours, à moins qu'une personne ne se soit fondu dans le décor de sable.
Elle mit pied à terre et invita Pommie à se coucher afin de profiter de sa chaleur pour la nuit. Elle tira la couverture qu'elle avait pris avec elle et s'adossant contre l'animal les en recouvrit.

Son ventre se mit à gargouiller un peu, elle soupira, dans sa hâte elle en avait oublié de prendre des provisions, mais bon en même temps elle n'aurait pas eu plusieurs solution, sois elle piquait dans les réserves, et ça non, car elle n'était pas une voleuse, sois elle demandait à Franck et là non plus car il se serait posé trop de question...
Bref, elle n'allait pas mourir pour autant, même si la faim la tiraillait, et elle se dit en souriant :

"après tout, qui dort, dine"

Avant de sombrer dans les bras étoiles de la voute céleste, elle se demanda si Maëlle avait trouvé son mot et si..... ses pensées s'embrouillèrent et de fatigue elle s'endormit.

Le froid de la nuit ne dérangea pas trop Pamela qui blottit contre Pommie à l'abri d'une dune se chauffa contre le poil de la chamelle.

Au petit matin, elle farfouilla dans son sac et en sortit la vieille radio qu'elle avait. Que pourrait elle bien capter dans le désert...

Elle tourna les boutons en tout sens et une mélodie un peu grésillante trouva son chemin dans les ondes infinies, comme venant d'ailleurs.



Un son de guitare et des voix murmurantes s'élevèrent dans la froideur de ce matin d'hiver où le petit degrés laissait la respiration de Pam sortir en fumée blanchâtre. Les paroles résonnaient dans l'immensité calme, si vraies, si cruellement à propos, en cet instant elle aussi aurait pu s'appeler Diego...
Elle ne savait pas ce qui l'attendait en revenant à Oiléan, et la colère de Marve serait certainement encore moins clémente que la solitude du désert.
Mais pour rien au monde elle ne s'abaisserait à présenter des excuses pour les paroles qu'elle avait dites.

Elle défendait les siens, certes maladroitement, mais quelqu'un qui avait le toupet de proclamer la mort d'un fomoire à qui voulait l'entendre en plein bar, elle ne pouvait le tolérer. Et ce n'était pas la première fois que ce même individu avait quelque chose à reprocher dans le fonctionnement de la cité, se faisant tranchant au lieu de raisonner, lui qui avait déjà montré sa verve sur les ondes publics que cette même radio captait parfois.
Pamela en comprenait une partie, car elle n'écoutait pas toujours tout, dans ce monde de fou, il fallait aussi savoir se laisser un échappatoire pour ne pas craquer.

Et voilà qu'aujourd'hui elle pourrait se retrouver derrière des barreaux, pour quelques mots qu'elle pensait si fort.... alors que dehors, dehors, il fait si froid mais que des milliers d'oiseaux sont libres d'y voler cent fois.
Elle resterait libre....libre dans sa tête.

Aux dernières notes de la mélodie elle soupira et se mit à caresser les naseaux chauds de Pommie qui lui soufflait dans le cou, elle devrait peut-être contacter Maëlle à présent... peut-être....

La journée se passa fraichement, voire froidement.
Mais Pamela bouillonnait encore intérieurement, elle entreprit d'occuper son temps à regarder le vieux livre d'astrologie qu'elle avait déniché quelques temps de cela. Avec un jeu de cartes de Tarot poussiéreux et dont les coins des cartes avaient été mal menés par une grande utilité il fallait croire.
Elle n'y comprenait pas grand chose mais les dessins l'intriguaient au point qu'elle se plongea dans le livre en oubliant ce qui l'entourait.




La voie lactée s'étendait à perdre haleine se noyant d'étoiles et de constellations au nom évocateur de héros légendaires. Elle se mit à rire en se demandant si Marve ne pouvait pas appartenir à l'une d'entre elles.
Elle le voyait bien dans celle d'Aldébaran, avec la force du taureau et la ténacité.



Elle parcourait les pages et en apprenait un peu plus à chaque fois, toutes ces choses qui jusqu'alors lui avaient été méconnues et qui s'offraient à elle.
Puis elle se saisit des cartes et les observa longuement minutieusement, elle finit par regarder à l'intérieur de la boite et trouva une fiche explicative de leur application.

Le soleil pendant ce temps là avait déjà fait le plus gros de sa course et en cette période hivernale, la tombée de la nuit le chassa rapidement derrière la crête.
Si Pommie pouvait tenir dans le désert sans boire des semaines, elle ne pouvait en contre partie se passer de manger correctement, et tout comme le ventre de Pamela, celui de la chamelle constatait un manque de nourriture certain.

L'adolescente soupira... autant elle aurait tenu le coup, autant elle ne voulait pas mettre la chamelle en danger. Elle rangea le livre et prit la torche dans la sacoche afin d'éclairer le chemin vers Oiléan.

Tenant Pommie par la bride, elles se mirent en route silencieusement.

Maëlle ne s’aperçoit de la disparition de Pamela qu’au petit matin, en trouvant le petit mot à son réveil.

Elle ne peut pas partir à sa recherche, Pamela a pu partir dans n’importe quelle direction, et elle a pris Pommie alors qu’elle-même est à pied.
Mais surtout, et quand bien même elle l’aurait pu, avec Pamela sa personnalité et dans cette situation exceptionnelle, de se lancer à sa poursuite ne serait sans doute pas le meilleur acte à accomplir pour espérer la faire revenir au plus tôt, loin de là.

Elle a écrit qu’elle va revenir d’ici la fin de cette lune, ce n’est donc normalement qu’une virée pour s’aérer le corps et le cœur, l’esprit et l’âme ; il s’agit alors qu’il ne lui arrive rien de fâcheux entretemps, ou de la faire revenir mais autrement que par la force… Et pour cela, il faut que Pamela le décide, qu’elle le veuille.

Par défaut, elle décide d’attendre quelques heures et passe la journée à travailler comme une zombie, accumulant les maladresses, complètement happée par ses pensées tourmentées.
Au cours de cette très longue journée, elle se rend compte peu à peu qu’elle tient à Pamela plus, bien plus qu’elle ne l’aurait soupçonnée jusque là.
Elle avait déjà eu quelques signes annonciateurs de cet attachement lorsqu’elle avait appris la mort de Barry, tué par un groupe potentiellement très dangereux qui traînait dans les alentours. Elle avait alors craint une attaque de la communauté qui aurait pu mettre en danger la vie de Pamela, de Logan et d’autres personnes qu’elle appréciait, et le retour impromptu de la Marabunta la soulagea de cette crainte, et pour cela elle leur en fut sincèrement gré, car les journées suivantes s’écoulèrent sans que la moindre goutte de sang supplémentaire soit versée, que ce soit dans un camp comme dans l’autre.
A sa propre surprise, elle s’était aperçue que lors de ces heures où la peur pour ceux qu’elle aime avait été très présente, elle avait avant tout pensé à Pamela.
Lorsqu’une menace vient à poindre face à soi-même, son compagnon et son enfant, c’est d’abord à son enfant que l’on pense.

En fin de journée, ne la voyant ni revenir ni donner de ses nouvelles par radio, elle n’y tient plus et en parle à Logan, lui montrant le mot en ayant sa promesse de ne pas en parler tant que cette histoire ne tourne pas trop au vinaigre, et ce non pas pour se protéger mais pour protéger Pamela des foudres des responsables de la communauté, car elle pense que s’ils s’en mêlent cela n’arrangera hélas rien, au contraire !
Elle apprend dans la foulée ce qui s’est passé la veille au soir à la taverne, ce qui lui fait comprendre qu’elle n’est sûrement pas la seule raison de sa virée impromptue dans la nature sauvage, mais qu’il y a aussi matière à s’inquiéter plus, connaissant son caractère, son intégrité, et son amour pour Marve…
Elle attend jusqu’au coucher du soleil, dernier délai qu’elle laisse à Pamela pour donner signe de vie.
Puis à la tombée de la nuit, n’ayant toujours aucune nouvelle, elle l’appelle par radio.

…

A la radio de Pamela, un signal sonore, l’arrivée un message…

La voix de Maëlle se laisse entendre, épuisée elle dissimule difficilement une forte émotion…


« Pamela ?…

Tu es là ? tu m’entends ?…

…

Oh j’espère, oui, j’espère de tout cœur que tu écouteras, que tu vas écouter ce message…

J’ai découvert ton petit mot ce matin à mon lever, comme tu peux l’imaginer… j’ai vérifié aussi : tu t’es bien envolée… Pommie également…

Alors me voici… bien sûr…

…

Merci à toi… merci de m’avoir laissée ce petit mot… si immense pour moi…

Sans lui, c’eut été plus dur encore…

…

Si j’étais la pire des égoïstes… je te dirais que ton départ va peut-être causer ma mort, qui sera cette fois-ci inévitable…
…mais là, en cet heure, et quitte à en mourir une bonne fois pour toutes, je me moque bien de ce qu’il peut advenir de moi ! !…

…

Je pense à toi…

J’ai peur et m’inquiète pour toi…

Je tiens à toi… tu le sais ça non ?

Non, peut-être pas… comme ça…

…

Comme une mère que je ne suis pas…

…

Oui je me souviens, il y a quelques lunes nous en avions parlé et bien ri toutes deux…

…mais…

…

Garde cette confidence pour toi si tu le préfères, ce que je pense.
Tu sais que je peux garder un secret.
Je sais que tu le peux aussi.
Ce sera alors notre secret.

…

Oui, je comprends très bien tes réactions…

Rien n’est insoluble… nous nous arrangerons, ne t’inquiètes pas… je n’ai jamais eu l’intention de te chaperonner, il n’en est aucunement question…

Et pour le reste, tout le reste… je te défendrai de mon mieux…

…quoi qu’il puisse se passer.


Quoique je puisse t’offrir… quoique tu veuilles accepter…
Tu ne me dois rien… tu ne me devras jamais rien…

Tu es bien trop chère à mon cœur pour cela.

…

Prends soin de toi, cher ange… et reviens vite…

Je ne te l’ordonne pas…

Je le souhaite.

Je te le demande…


Appelle-moi quand tu voudras, pour quoi que ce soit, à toute heure, je garde ma radio à portée de main.

Je te serre tout doucement contre moi, avec affection…

…

Alors que deux ombres avançaient dans le sable silencieusement, Pamela trébuchant parfois n'ayant pas le pas aussi sûr et aguerrit que Pommie, la radio dans la sacoche se mit à crépiter.

Pamela s'arrêta et sortit la machine pour la porter à son oreille et comprendre qui était l'interlocuteur en face.
Après tant d'heure de silence, le son en était presque fantomatique, émanant un peu de nul part, comme si elle avait à faire à une voix d'une autre dimension.

Puis elle reconnut Maëlle, son coeur se serra un peu pensant déjà aux paroles lourdes de remontrances qu'elle risquait d'entendre..... mais il n'en fut rien.
Elle l'écoutait, mesurant chacune de ses phrases, cherchant à percevoir au delà des mots prononcés l'intonation de la voix et ce qu'elle pouvait bien déceler.

Puis Maëlle lui dit une chose qui la toucha particulièrement et elle se mit à avoir des larmes aux yeux... elle qui s'était bien jurée de ne jamais plus pleurer...
Elle les chassa d'un revers de manche mais elles revinrent de nouveau, suivi d'un long reniflement.

Elle avait envie de lui répondre.... d'hurler....de crier....à en faire trembler la canopée des dunes.... mais elle se retint, se mordant la langue une seconde pour reprendre ses esprits.

Elle releva la tête machinalement et s'aperçut que des lumières brillaient au lointain, Oiléan était droit devant à une petite demie-heure de marche encore... enfin si elle montait sur Pommie pour aller plus vite.

Elle respira longtemps et actionna finalement le bouton de la radio :

Maëlle.... je.... salut... je vais rentrer....Pommie n'a rien à manger et je crois qu'elle a faim... sa phrase avait l'air si bête dans le fond, mais que pouvait elle dire de plus à cet instant ?

Elle caressa les naseaux tièdes de la chamelle comme pour chercher une confirmation de sa part. Pommie vint frotter sa tête contre son épaule l'invitant à continuer d'avancer avant que le froid ne les glace sur place toutes deux.

Elle enclencha le bouton une fois encore :

je ...rentre...sous peu

Puis elle mit la radio en bandoulière et tirant doucement sur la bride de la chamelle, elles se remirent en marche.

La radio de Maëlle ne met pas longtemps à bipper à son tour, après son appel. Elle se précipite sur elle et l’allume.

Pamela.

Elle écoute attentivement le court message, qui lui apporte un certain soulagement.

Alors qu’elle s’apprête à lui renvoyer un message, revoilà la radio qui bourdonne entre ses mains, la surprenant au point de la faire sursauter ! Trop de tension nerveuse…

Nouveau message de Pamela, encore plus bref, mais encore plus rassurant.
Elle esquisse enfin son premier sourire d’une longue journée…
Puis avec toute cette tension qui retombe, elle craque et se met à pleurer.
Mais elle se reprend vite car elle veut la rappeler au plus tôt.
Elle décroche le micro et…

« Bien reçu, Pamela…

S’il y a le moindre problème à l’entrée, contacte-moi aussitôt, j’arriverai. Mais cela devrait aller, tu es une gradée et tu pourras toujours dire que tu as été promener Pommie dans les alentours si la vigie se montre curieuse.

Si tu n’as pas envie de rester seule ce soir, viens frapper à la porte. Tu peux venir manger et dormir dans le hangar avec moi, Logan peut bien te laisser sa place une nuit, tu te réchaufferas dans mon lit. Ne t’inquiètes pas pour Logan, il est au courant, ta sortie est restée entre nous, et il m’approuvera, il nous laissera seules. Mais je crois que là, même s’il ne m’approuvait pas, ce serait pareil ! *petit rire complice*
Et tu peux même amener Pommie ! ! *nouveau petit rire*

Si tu viens, dis-toi que tu ne m’embêteras pas du tout, cela me fera plaisir.
Et je serais contente que tu ne restes pas seule à broyer du noir si jamais c’était le cas.

Mais fais donc comme tu veux, comme tu le sens, vraiment.

A tout à l’heure, j’espère.
Ou bien alors à demain, je viendrai te voir, et on ira discuter au bout d’un quai si cela te dit. »