Trop lourde

Elle acquiesce, oui, c'est une excellente idée. S'occuper de la décoration de la cabine de Motor Lee. Et une surprise de taille en effet.

"Il faudra ne rien lui dire... Dans ce cas..."

Mais son regard suit la très jeune fille au teint cadavérique et à l'homme qu'elle traîne comme son chien. Elle ne se souvient pas l'avoir encore vu ici. A force de protéger ce couple d'oiseaux et leur nid, aurait-elle loupé quelques nouveaux arrivants ?
Elle resserre ses doigts sur la soie de sa tunique. Une sensation morbide l'étreint.

"C'est une de tes amies, qui comme toi fait peur aux hommes ?"

Pamela n'avait pas prêté attention à la gamine, tant elle appréciait la conversation avec Juan , alors lorsque cette dernière lui demanda si elle connaissait la petite fille, elle tourna la tête et la regarda.

Non.. pas vraiment...mais elle pourrait me rappeler moi plus jeune...
Bref, revenons à nous, c'est pour l'heure plus important !
Si le projet marche, tu aurais fort à faire tu ne crois pas ! ?

Elle referme ses lèvres et détourne le regard de l'adolescente, pour imaginer comment s'occuper de la décoration de la chambre de la tête du Dragon.
Elle visualise bien quelque chose, mais de suite les questions de moyen viennent à son esprit.

"Disons que si je dispose d'assez de temps, ce doit être possible. Même avec peu de moyens ! Sais-tu coudre, ou peindre ? Qui s'occupe habituellement de monter vos bateaux ? Crois-tu que je puisse aller rencontrer ces personnes sans les indisposer ?"

Puis, légèrement plus bas, en posant le bout de ses doigts sur les cartes de Pamela. Intriguée, davantage par le reflet glacé de celles-ci alors que le jour décline.

"C'est un don que tu as ? Qui t'a appris à lire l'avenir, Pamela ?"

Pamela avait souri à la dernière question de Juan, mais avant d'y répondre elle commença par leur histoire de bateau.

Et bien les architectes vont et viennent dans le hangar à bateau, alors je pense que le mieux serait de nous y rendre par la suite.
Et ensemble nous aviserons de comment tu vas pouvoir t'organiser pour la cabine !
Elle finit sa phrase avec un petit clin d'oeil.

Bon, pour te répondre sur l'avenir, non je n'ai pas de Don, à proprement parlé, je me suis juste intéressée à cet art divinatoire en ayant trouvé un gros livre lors de nos expéditions.

Je le lis encore pour comprendre certaines cartes, enfin les liens entre elles car elles peuvent être lues ensemble ou séparément et dans ce cas, leur interprétation est bien différente ! Et puis aussi suivant comment tu vas tirer la carte, à l'endroit ou à l'envers, le sens et la symbolique varient...

après chacun croit ou ne croit pas, c'est pure question de hasard, mais après tout, toute la vie est faite de hasard.
Certains te diront cela et d'autres te parleront de cause à effet, ce que tu vas faire engendrera par la suite d'office autre chose, c'est ce que l'on nomme le déterminisme.
Donc je dirai que comme nous avons lu les cartes, et bien dans ton avenir cela jouera d'une manière ou d'une autre.

Pamela jouait machinalement avec le paquet de tarot dans ses mains tout en discutant avec Juan.
Elle trouvait la jeune femme très sympathique et depuis le départ de Maëlle, elle fut un souffle salutaire pour elle.

Juan se relève sur la seule force de ses jambes, dans un mouvement délié, à la manière des Geishas qui n'ont certainement jamais existé. Ainsi les deux femmes peuvent dès maintenant se diriger tranquillement vers les ateliers.

"Chez nous, c'était à l'aide de coquillages. Certaines femmes au grand âge avaient accumulé au cours de leurs voyages de magnifiques petits coquillages de nacre, et les gardaient toujours avec elles pour prédire l'avenir des Têtes de Dragon ou de leurs équipages. Il y a des rituels aussi de protection pour les coques des bateaux... Enfin toutes sortes de croyances magiques..."

Elle n'ose pas vraiment avouer qu'elle en connait elle-même. Pourtant elle rajoute.

"Ca ne peut pas faire de mal. Au pire, ça n'a aucun effet... Au mieux, ce sera bénéfique pour le courage de l'équipage."

des coquillages de nacre ? répéta Pamela intéressée

et toi ? toi tu en as avec toi ? tu ? tu sais t'en servir ? elle était toute excitée et paraissait vivement intriguée par la chose.

C'est ainsi que tout en se dirigeant vers les ateliers de construction de bateaux que les deux jeunes femmes échangèrent leur secret.
Pamela prêtant une oreille particulièrement attentive à Juan.

Bon sinon tu sais déjà comment tu veux décorer la cabine? tu as des idées précises ?
sur le bois, le tissus ? comment souhaites tu faire ?

Leurs pas lents les entraînent et bercent leurs mots qui se prononcent sur un ton plus bas.

"Non. Aucun coquillage. C'est le travail des plus âgées. Celles qui ont l'expérience à transmettre aux plus jeunes. Tu penses, les Dragons préfèrent mettre dans leur lit les femmes qui n'ont pas eu trop à subir les cicatrices du temps. Quand une esclave a trop servi, elle est plus ridée, mais surtout elle a beaucoup de douleurs, de brûlures dues au soleil... Elle n'est plus à même de subvenir à tous les besoins sexuels de son maître, alors, elle préfère rester en cale de bateau à enseigner l'art et la manière de servir au mieux. "

"Et le soir quand toutes les taches sont enfin accomplies, elles se rassemblent à la lueur des lampes à huile et lisent dans ces coquillages l'avenir des plus jeunes, qui espèrent devenir favorites des plus hauts dans la hiérarchie."

"Pour la cabine... Je suppose qu'il y aura beaucoup de dragons..."

Là dessus, elle se met à rire. Un rire contenu et discret. Un rire comme on le lui a appris.

Pamela était admirative devant la culture et la noblesse d'âme de Juan et des femmes de son rang.
Elle l'écoutait donc avec grand intérêt et ne perdit pas une miette de son récit.
Elle alla même à se demander si sur la plage, voire au bord de l'eau, elle ne pourrait pas trouver ces fameux coquillages.

Bon en mal en, elles arrivèrent donc aux ateliers à bateaux.
Une bise d'air vint souffler sur leur visage, gonflée d'embruns marins parfumés à l'iode, ça sentait bon l'appel du large et Pam respira à plein poumons.

bon, nous y voilà !

au bruit des coups de marteau et des scies, les deux jeunes femmes purent constater que cela allait bon train, et en s'approchant davantage elles purent même sentir l'odeur du bois fraichement coupé.
A présent il fallait trouver un constructeur....