D'nouveaux corsaires à bord, yop la ho !

Un portique de bois, une pancarte qui indique « Oilean Thorai », et un petit groupe qui franchit l’entrée de la communauté.
Quatre humains et quatre chevaux. En tête, une petite blonde, qui a repoussé la capuche de son sweat gris pour ne pas provoquer de soupçons inutiles. Le jean blanc et les boots noires qu’elle porte ont visiblement souffert du voyage, mais qu’importe ; ses yeux clairs se baladent autour d’elle, curieux. Derrière elle, un homme plus grand et plus massif, brun, à l’allure fière et sans doute un peu plus martiale ; et deux adolescentes, l’une noire emmitouflée dans un gros manteau hivernal, l’autre une petite brune à la jambe droite apparemment blessée.

Les chevaux battent l’air de leur queue. Tous remarquables. Des pur-sang, à n’en pas douter.
Le plus chargé est celui que la petite blonde tient par la bride ; une jument noire aux reflets bleutés, dont les grands yeux à la teinte légèrement cuivrée semblent eux aussi examiner les lieux d’un air intéressé. De temps en temps, elle donne un petit coup de museau sur l’épaule de la jeune femme. Un mouvement affectif et impatient. Tous, aussi bien humains qu’animaux, ont fait un long voyage et ressentent la fatigue.
Un claquement de langue, un geste de la main, et la petite troupe s’arrête. La blonde – qui, étrangement, ne paraît pas souffrir du froid, dans son simple sweat – interpelle le premier homme à portée, si l’on admet que la garde les ait laissés franchir les portes.

- Salut ! Troupe Scarifiée, pour vous servir.

La garde ne s'était en rien opposée à leur entrée en ville, et pour cause : c'était la Marabunta qui assurait la défense de la ville en ce moment, et les derniers Scarifiés étaient attendus. Hernando, emmitouflé sous plusieurs pulls rapiécés, était posté auprès d'une baliste, sur les remparts, et observait sans mot dire la scène qui se déroulait en contrebas. Tout comme l'éthylique géant qui était en train de leur causer, il ne connaissait véritablement que Liberty dans le petit groupe. Et sa moue dubitative en disait long sur ce qui était une évidence : depuis la mort de Saül, sa Brigade avait amorcé un lent déclin, et les derniers Scarifiés faisaient pâle figure face au souvenir de ceux qui s'étaient joints à la Marabunta pour poursuivre et éliminer Nager.

Chez le latino, il y avait rarement une grande distance de la pensée à la parole, c'est pourquoi il leur lança, en guise d'accueil, d'un ton mi-ironique mi-complice :

-Voilà donc les terribles Scarifiés, hein ? C'est marrant, vous étiez plus flippants dans mes souvenirs !

S'accroupissant, il sauta en bas du rempart, qui ne faisait qu'à peine une taille d'homme de hauteur, et atterrit souplement dans la neige meuble. Se relevant, il marcha droit vers le groupe, et tendit le poing vers Liberty, avec l'intention manifeste de l'entrechoquer avec le sien en un salut propre au langage de la rue.

Emmitouflée dans un cuir élimé et plus tellement noir, une autre blonde attend de l'autre côté des murs d'Oileán Thoraí. Malgré le froid, le blouson reste ouvert, pour la bonne et simple raison qu'il ne ferme plus, faute de fermeture Éclair. Cela permet à l'Anglaise de la Marabunta d'arborer nonchalamment deux pistolets à poudre à la ceinture. Adossée au mur, elle observe l'arrivée des Scarifiés, derrière ses lunettes de soleil. Oui oui, en hiver. On a la classe ou on ne l'a pas.

Le petit groupe passe la porte. Elle ne bouge pas et se contente de sortir une clope de sa poche. Quand les mâles dominants du secteur réagissent, elle esquisse un sourire, puis se dirige vers le brasero de Marve et allume son poison favori. Quelques pas encore et là voilà deux pas derrière Hex.

Je vais faire la traduction. Là, il voulait dire "Bienvenidos". Welcome.

Contente de voir des nouvelles têtes.

Oui. La Brigade Scarifiée n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été, c’est vrai. Adieu le Commandant Saül éborgné à l’air de tenir une armée, adieu le Vieux Lieutenant cinglé au crâne découpé, adieu Cash la tatouée aux pulsions meurtrières, au-revoir Mazzy la clone de combat expatriée chez les pirates. Seuls vestiges de cette époque : la cicatrice qui court le long du côté gauche du cou de Liberty, et celle qui couvre le poignet de Mamba.
Oui, il est loin le temps de la terreur Scarifiée, où la simple évocation de ce nom pouvait en faire pâlir certains. Mais ce que la « Brigade » a perdu en puissance, elle semble l’avoir gagné en humanité. Fini le temps où un membre de la troupe agressait l’un des siens à coup de lance-flammes, place à une équipe certes diminuée, mais soudée.

La blondinette n’en a cure. Alors les petites piques lancées par les latinos, avant même qu’elle n’ait eu le temps de répondre à l’accueil de Marve, la font sourire.
Son poing cogne contre celui de Hex pour terminer dans une poignée de main qu’elle connaît bien – après tout, elle aussi a vécu dans la rue –, elle adresse un sourire à Ozric après lui avoir confié le pur-sang, un hochement de tête à Mary qui pourrait signifier « Nickel, j’ai compris ». Même les railleries d’Ethan ne sont pas relevées.

Un haussement de sourcil amusé accompagne la réponse à la poigne de Chirlo. Les yeux azur de Liberty plongent furtivement dans ceux du latino.

- Méfie-toi, bredren, les plus dangereux n’sont pas forcément ceux qui l’paraissent.

Le regard glisse vers Hex.
Puis, d’un moulinet du bras théâtral, elle annonce :

- Heureuse d’être arrivée quand même !

La punkette se dirige enfin vers Marve, débarrassé de ses bouteilles. Fait qui lui offre le loisir de prendre le balafré dans ses bras d’un air joyeux.

- Dis, t’as commencé à fêter notre arrivée sans nous ?

Réagissant à la vanne de Chirlo, Hernando dégaine son Colt, et le fait admirer à l'assistance en l'agitant de manière assez inquiétante lorsqu'on songe qu'il s'agissait d'un flingue dépourvu de cran de sûreté.

-Ca, une pétoire ? C'est le calibre de Clint Eastwood, mec ! Sérieux, t'as vraiment aucun goût.

Après l'avoir fait admirer à l'assistance, il le rengaine en le faisant tourner sur son index, en un geste digne des meilleurs pistoleros de western, témoignant d'un grand entraînement dans le domaine de la frime. Et ce, sans causer de mort involontaire. Se retournant vers Marve qui partait déjà, il lance à l'attention des Scarifiés :

-Bon, je crois qu'il est effectivement temps d'aller coucher le Marve. S'il est trop bourré pour retrouver sa piaule, c'est celle qui est juste à côté d'un petit seau bleu. Après, si vous voulez causer au chaud autour d'un bon verre, n'hésitez pas à passer au bar.

Liberty réprime un fou rire, face à la maladresse de Marve. Un peu trop spontanée, la blondinette ? Elle recule, serre la main de Stark qui vient d’arriver.

- Bon voyage, ouaip. S’retrouver dehors après des lunes passées dans les souterrains, tu peux pas imaginer l’bien qu’ça fait. Même avec ce froid.

Autant dire que la demoiselle n’est pas pressée de rejoindre ses quartiers. Tous ces gens, autour d’elle, qui les accueillent chaleureusement – et les testent un peu, pour certains – lui donnent envie d’aller tester l’alcool local en leur compagnie. Et puis il y a la ville à visiter. Profiter du soleil, même s’il rend la neige et les couches de glace aveuglantes. Et surtout, la plage.
Liberty tapote le bras de Marve, de la même façon qu’il lui a flatté le dos.

- Ouais, j’t’accompagne, comme ça tu m’montres le chemin. Moi ça va, mais p’t’être que les gamines ont besoin d’se reposer un peu. C’la dit…

Le sourire taquin incrusté sur son visage, elle se retourne vers Hex et Chirlo.

- Il a l’air bien entamé, j’suis pas certaine qu’il arrive tout seul là-bas. Imaginons qu’il tombe en route… Il m’faudra quelqu’un de fort, puissant, dangereux, pour le porter.

Tête penchée sur le côté, regard étincelant qui se fixe une fois encore sur Chirlo. Avant, une fois encore, de glisser vers Hex.

- On passera au bar avec plaisir. Mais on ira s’occuper des chevaux avant, ils méritent bien d’être un peu chouchoutés.

Evidemment, la mine exaspérée d’Ethan amuse beaucoup la blondinette.
Blondinette qui se rapproche de lui, fait mine d’ôter une poussière en lui caressant la joue du pouce et lui murmure, sur un ton de fausse confidence :

- Me semble que t’as pas été séquestré, à Vegas, tu pouvais partir. Si tu y es resté, c’est sans doute que t’avais une bonne raison…

Suite à quoi elle recule, tirant la langue au grand brun d’un air joyeux.
Ça arrive de tous les côtés, décidément. Un type bizarre, bout de bois cramé en main, les salue d’un genre de révérence, une autre se pointe en courant, en criant au feu. Le feu à la plage ? Un coup d’œil vers la fumée blanche, un coup d’œil sur le morceau de bois calciné, un coup d’œil sur la demoiselle affolée. ‘Sont pas plus sains d’esprit ici qu’ailleurs, a priori.
Liberty se mordille la lèvre, avise la situation. Toujours amusée.

- Ben dis donc, j’peux aller chercher mes bolas, mais j’suis pas sûre que ça serve encore à grand-chose là.

Pas le temps d’ironiser plus, Chirlo vient à ses côtés, lui glissant subtilement un bras dans le dos. La petite blonde ne bronche pas. Un gentleman macho comme on n’en fait plus !
Elle s’apprête à avancer avec lui quand Marve explose sa bouteille au sol, explose lui-même, et décide de faire cavalier seul en partant vers son phare.
Haussement d’épaules. Inutile de le contrarier plus. Liberty lève le regard vers Chirlo.

- Il est palefrenier votre pote qu’a pris nos chevaux, ou faut que j’te raconte tout ça en allant aux écuries ?

Et que fait-on, quand on sent un grand baraqué se tendre nerveusement, et que l’on est une punkette blonde, petite et pas bien grosse, probablement incapable de retenir le musclé s’il agit brusquement ?
Analyse rapide de la situation, les doigts qui ont glissé vers l’arme ne sont pas passés inaperçus. Liberty a opté pour la solution qui lui paraissait la plus simple : elle a passé, elle aussi, son bras dans le dos de Chirlo, posé sa main sur la sienne, en guise d’apaisement. Geste que le latino aura sans doute compris autrement, mais peu importe. Marve est parti tranquillement. D’un signe de tête aux deux adolescentes, la punkette leur indique de le suivre.

La « plage exotique » ne sera pas difficile à trouver. A priori, il suffit de rejoindre la fumée. Alors en route. Il faut toujours quelqu’un pour lancer le mouvement.

- Alors, Marve vous a pas raconté sa petite période Scarifiée ?

[Vous vous êtes perdus en route ou bien ? ]



Et ça avance vers la plage. Possible qu’on y soit presque arrivé, d’ailleurs.
La main qui a malencontreusement glissé de la hanche de Liberty est attrapée, avec une poigne sans doute surprenante pour cette petite blondinette. D’un regard entendu, elle replace la main du latino là où la bienséance n’aura rien à redire. Et continue la conversation, comme si de rien n’était.

- La big boss, si on veut. On n’a plus franchement les mêmes objectifs qu’avant, alors niveau décisions à prendre, c’est plutôt limité. On va dire qu’ça s’fait avec Ethan, quand il faut décider quelque chose.

Ethan qui, d’ailleurs, n’a plus râlé depuis tout à l’heure. Ça pourrait presque en être inquiétant. Liberty jette un œil derrière – pour vérifier s’il suit, et les autres par la même occasion, c’est que tout le monde est devenu vachement silencieux.
Puis, avec un léger sourire :

- Mais a priori, notre décision d’venir ici, on va pas trop la r’gretter.