L’épaisse plaque de glace qui, il y a quelques lunes à peine, constituait la réserve de poiscaille de la petite communauté portuaire se fissurait petit à petit, menaçant dangereusement l’équilibre de ses usagers. Apparemment un objet glissant non identifié débaroulait à pleine balle, raclant au passage plusieurs bons centimètres de gel.
Tel un jeune manchot survolté, Franck fit irruption malgré lui devant un Tino éberlué dans une magnifique triple vrille aérienne incontrôlée. Il ne lui aurait manqué que le ballon sur le bout du nez et une paire de clochettes aux oreilles pour qu’il soit engagé d'office comme mascotte d’une équipe de patinage artistique.
Les godasses crasseuses de Tino, l’agriculteur du bled, vinrent brusquement freiner sa chute. Après quelques minutes durant lesquels l’homme se frotta le sommet du crâne en grimaçant, le comptable se redressa rapidement sur ses deux jambes. Il secoua vigoureusement sa chemise et la frotta d'un revers de la main pour se débarrasser du mieux qu’il le pouvait des morceaux de neige fondue qui s’était incrustée dans les plis de son vêtement. Il adressa finalement un petit signe de la tête à son compagnon, puis se cacha discrètement le nez avec sa manche avant d'aller farfouiller dans sa besace. Décidément, les effluves du monde agricole dans ce petit vent hivernal, ce n’était pas franchement agréable. Il jeta négligemment quelques drogues en direction du pécore pour le soulager dans son combat contre l’animal. Puis, il l’incita à le suivre.
Allons mon brave Tino, bravons donc ce blizzard, nous touchons presque au but, camarade !